Destruction

La mort nous guette tous un jour. Le plus terrible, c'est de ne pas pouvoir la choisir.


Comme des éclats de verre qui me reviennent en mémoire, je vois sous mes yeux défiler des images sanglantes que j'aurais sans doute souhaité oublier. La mort me va mal, je le sais, je le sens. La mort est la promesse de tout oublier. La promesse que plus rien ne viendra nous faire souffrir. Plus personne pour nous demander de nous battre. Plus personne pour nous commander, pour nous dire d'aller défendre le faible et l'opprimé. La mort est la promesse de la sérénité. Promesse que ces égoïstes n'ont pas tenus pour nous.

 

« Je me souviendrais toujours de nos moments partagés… ». Je ne parviens pas. Je ne parviens plus. Je sais que mon cœur battait pour lui, mais je ne me souviens plus de rien à présent. Par tous les démons que j'ai pu rencontrer, dire que ce n'est même pas l'Anathème qui m'a volé cela mais le Knight, que je souhaite une seconde voir brûler. Je ne me souviens que du pire. Je ne me souviens que du sang. De la peur que j'ai ressenti. De cette terrible, cette atroce peur de rester éternellement seule. « Vis avec moi… ». Trois mots qui tailladent mon esprit depuis des heures. Je suis morte avec lui, je n'ai presque rien vécu. Du moins ma mémoire me dit-elle cela. Seulement quelques jours de tranquillité qui sont presque effacés de mes neurones morts. Seulement quelques temps que je ne pourrais jamais retrouver. Je suis en droit de détester l'Anathème et le Knight qui nous ont tout pris. Le Knight était un espoir, un moyen pour moi de devenir plus forte, de rendre fière la seule famille qu'il me restait. Mais désormais, il n'est plus que celui qui m'a volé jusqu'à ma mort.

 

« Autant dire que de l'acier trempé, c'est du papier à côté… ». Mon poing se serre. Je sais que je suis triste et en colère mais c'est comme si je ne ressentais rien pourtant. Je sais ce que j'ai vu et ressenti. L'angoisse. La rage. Le sang. La guerre. L'ennemi. Sonam qui nous hurle de reculer, qu'il va faire de son mieux. Franck qui se jette dans la mêlée, invisible, pour trancher la chair de ces créatures venues du tréfonds de nos pires cauchemars. Je les ai perdus de vue une seconde à travers mon viseur. Juste une stupide seconde ! Prudence s'est également jetée dans la mêlée, avec Max. Je me suis inquiétée une seconde avant de sourire derrière mon arme, parce que bon, ils ne pouvaient pas mourir tous les deux. Mon oncle les soutenait et Colombe était là également. Nous étions tous là. Nous ne pouvons PAS mourir.

 

« Décidément tu m'en fais voir de toutes les couleurs toi… ». J'ai serré les dents. Je me suis retenue de pleurer quand mon oncle et Max ont couru vers nous, Colombe dans les bras du premier. Elle était blessée. Ils m'ont hurlé de battre en retraite. Mon oncle a mis Colombe dans les bras de Max et nous a donné l'ordre de contacter Camelot avec son équipement qu'il a arraché à son armure. Il nous a crié de partir, qu'il nous rejoindrait le plus rapidement possible avec les autres. J'aurais dû savoir à cet instant que c'était fini. Colombe a tenté de se rebeller, moi aussi, mais Max ne nous a pas laissé le choix. Elle a vu. Elle a regardé derrière et elle a hurlé de douleur en tendant la main. Elle a éclaté en larmes et a menacé Max de bloquer de nouveau son armure s'il ne la laissait pas de suite mais il a refusé. Lui et moi n'avons pas regardé. Je ne voulais pas avoir comme dernière image de cet oncle tant aimé et même idolâtré celle d'un homme brisé par la plus terrible des corruption.

 

« Rhen si… Si on… Survit à tout ça… Tu… Tu voudrais bien… ». Impossible de me souvenir de la fin de cette foutue phrase qui, pourtant, à éclater dans ma tête au moment où Max est tombé. J'ai crié de terreur. Colombe a été projetée par terre. Je lui ai pris les mains. J'ai tenté de le retenir mais il a été tiré en arrière. Il nous a hurlé à son tour de fuir. Colombe essayait de contacter nos supérieurs, mais aucune réponse ne nous parvenait.

 

« Ouais, sont mignons, c'est vrai et puis j'imagine que ça fait du bien au capitaine… ». J'ai continué de courir avec elle, puis d'un coup, j'ai ressenti une prise sur la taille, qui m'a serré de plus en plus fort. Colombe a commencé à paniquer, s'est tournée vers moi mais s'est reculée alors qu'un craquement sinistre s'est fait entendre, autour et dans mon corps, tranché d'un coup en deux.

 

Je sais désormais. Je me souviens uniquement de cette scène. Je sais maintenant ce que j'ai à faire : ma mission. Puis maudire le Knight avant de mourir de nouveau. Car si l'Anathème m'a tué, le Knight m'a achevé en m'obligeant à vivre de nouveau, sans sentiment, sans moyen de dire à mon oncle à quel point je l'aime ni sans pouvoir embrasser Max une dernière fois. Je les haïrai jusqu'à ce que ma vie ne s'écoule de nouveau des plaies béantes causées par l'Anathème ou les Chevaliers Noirs.